Pour ces deux premières études, je me suis fixé la contrainte de n'utiliser que les touches blanches et noires de l'instrument en tentant de retrouver l'écriture la plus ergonomique qui soit où, dans un idéal, tout "tomberait sous les doigts". J'ai voulu à tout prix éviter d'aller chercher ce que |'on pourrait appeler de nouveaux timbres, de nouvelles sonorités, en préparant l'instrument avec des corps étrangers ou bien en allant jouer à l'intérieur de celui-ci avec de multiples objets. Cela viendra peut-être, ultérieurement, quand la nécessité s'imposera par elle-même. Comment donc retrouver mon son en ayant a ma disposition un "simple" clavier composé de quatre-vingt-huit notes ? A cette question je n'ai vu qu'une seule réponse : trouver un geste, une action physique bien identifiable, comportant intrinsèquement une difficulté technique et faire en sorte que ce geste se déploie dans l'espace (du clavier) et dans le temps, de telle sorte que cette difficulté initialement au coeur du projet soit à l'écoute oubliée au profit d'une perception qui ne serait, dans l'idéal, que musicale. Quand on parle d'études pour piano on pense bien évidemment à ces nombreuses difficultés techniques que vont devoir surmonter les interprètes en faisant appel a leur plus grande virtuosité. On oublie peut-être parfois que le compositeur lui-même dans ces circonstances, fait de cette succession de pièces un carnet d'étude en soi. Se focaliser sur des enjeux techniques devenant l'objet même du projet (donc, en quelque sorte, la matière à faire vivre) permet d'approfondir la connaissance que l'on a de l'instrument mais également de repousser nos propres limites, c'est-a-dire celles de notre imagination. A travers ces études pour piano, qui seront au nombre de douze, je compte à la fois rendre hommage à certains de mes pairs qui ont su faire rayonner ce genre par le passé, comme, par exemple, à travers l'Etude n°1 qui par son caractère mécanique est un hommage à György Ligeti, mais aussi en dédier certaines à des personnalités qui m'auront marqué. Ma Deuxième Etude "Arachné" ne pouvait être dédiée qu'à cet immense pianiste et artiste qui a suscité le désir de réaliser ces études, et pour lequel celles-ci sont écrites, Bertrand Chamayou. Cette Etude n°2, prenant un caractère mystérieux, rampant et caverneux, est composée pour une seule et même main : la gauche. Faisant référence à un personnage de la mythologie ayant été métamorphosé par la déesse Athéna après avoir osé la défier, cette étude, intitulée Arachné, est un tissage de quatre espaces harmoniques à l'intérieur desquels cette main gauche, par son comportement, semble se déplacer sur le clavier telle une araignée en train de bâtir sa toile. Yann Robin
- ISMN: 9790230822732 (M230822732)